Voir l'invisible… un oxymore ou un
paradoxe à découvrir ?
Des recherches récentes remettent en question ce que nous pensons être indiscutable : ce que nous voyons !
On sait la difficulté des élèves - dans les labos ou TP - à voir ce qui nous paraît évident et à rejeter ce qui ne rentre pas dans leurs schémas de pensée.
Ces publications aideront peut-être vos élèves à se décentrer de leurs impressions et perceptions du monde... une compétence indispensable en science et peut-être aussi dans un monde où nos perceptions superficielles projetées sur les autres contribuent à bien des conflits."L'élève ne croit pas ce qu'il voit, il voit ce qu'il croit"
…trouvé chez plusieurs chercheurs dont Giordan et Astolfi probablement repris de Gaston Bachelard, dans La formation de l'esprit scientifique (1938) « Rien ne va de soi. Rien n'est donné. Tout est construit. »

B) Une deuxième publication (Gibney, E., 2025) rapportent dans une news de Nature comment Fong, …, Ng,et al. (2025) ont réussi à balayer la rétine au fond de loeil de 5 sujets en illuminant les cônes "verts" seulement, produisant la sensation d'une couleur qui ne peut être vue naturellement encourage le lecteur à aller vérifier dans la news d'origine : ici
C) Une troisième publication (Sara Reardon, 2024) décrit comment équipe de spécialistes des matériaux (Ou, et al. 2024) sont parvenus à rendre temporairement transparente la peau de souris révélant ainsi les organes sous-jacents. Simplement en appliquant un pigment courant, la tartrazine, l'un de ceux qui donnent leur couleur orange caractéristique aux célèbres snacks Cheetos. encourage le lecteur à aller vérifier dans la news d'origine : ici
A) Des lentilles pour voir une partie de l'infrarouge
Équipés de telles lentilles, des participants humains ont pu distinguer des signaux codés en NIR, à la fois sous forme de séquences temporelles et d'images spatiales. Les chercheurs ont aussi mis au point une version trichromatique de ces lentilles, permettant de percevoir différentes "couleurs" dans le NIR, ouvrant ainsi la voie à une véritable vision colorée spatio-temporelle dans ce spectre invisible. Cette recherche ouvre des perspectives pour le développement de matériaux portables permettant une vision infrarouge non invasive, et pour de nouvelles manières de percevoir et de communiquer des informations au-delà du spectre visible. Ils notent que l'IR passe bien à travers les paupières et qu'on pourrait ainsi transmettre discrètement des informations à des yeux fermés.
D'autres on même proposé même que des variantes de ces lentilles les aident à distinguer des nuances de rouge, qui seraient converties en nuances de couleurs qu'ils voient. Traduction IA retouchée de Ma, et al. (2025)

Convertir des photons IR vers le visible, d'où vient l'énergie ... ???
Cette upconversion est un mécanisme comparable à la fluorescence mais inverse (des photons de plus basse énergie (IR) sont convertis en photons d'énergie plus élevée (visible ). Or "Tous les matériaux fluorescents obéissent en général au principe bien connu de la loi de Stokes, qui énonce simplement que les photons d'excitation possèdent une énergie plus élevée que les photons émis. En d'autres termes, l'énergie des photons émis est inférieure à celle des photons absorbés. Cela revient, de manière indirecte, à exprimer que le rendement énergétique ne peut pas dépasser 1. Ce principe reste bien sûr valable uniquement lorsqu'on considère un système où un seul ion est excité." Traduction de Auzel, F. (2004) ici
encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine ici
L'upconversion photonique (ou "conversion ascendante") : plusieurs photons d'énergie plus basse (ex : infrarouge) sont absorbés de manière coopérative ;et leur énergie est "additionnée" par des mécanismes non linéaires ; puis un photon d'énergie plus élevée (ex : lumière visible) est émis.
→ ici, on a un décalage vers le bleu (longueurs d'onde plus courtes). Voir notamment Auzel, F. (2004)encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine notamment la section 2.2 "Upconversion Processes by Sequential Energy Transfers "
Des limites :
Une formulation que vos élèves, critiques et bien formés à la pensée évolutive, reformuleront d'un air narquois : « Ce type de mécanisme de vision n'a pas été sélectionné au cours de l'évolution, ce qui signifie probablement qu'il engendre davantage de coûts ou de contraintes que d'avantages sélectifs. »
Applications pour l'enseignement
Introduction au phénomène de conversion de fréquence : fluorescence, phosphorescence et upconversion photonique

Fig 2: Une illustration trouvée dans l'article de la RTS montrant la procédure élaborée par les scientifiques chinois [Sheng Wang][ [img]. Source : Ma, et al. (2025
Discuter des valeurs morales : faut-il accepter des technologies qui augmentent nos capacités perceptives ou respecter la nature, l'ordre divin, notre héritage génétique ?
De belles discussions en vue
B) Percevoir une couleur que personne n'a jamais vue ?
![ig. 1. Overview of principle and prototype system.,(A) System inputs. (i) Retina map of 103 cone cells preclassified by spectral type (7). (ii) Target visual percept (here, a video of a child, see movie S1 at 1:04). (iii) Infrared cellular-scale imaging of the retina with 60-frames-per-second rolling shutter. Fixational eye movement is visible over the three frames shown. (B) System outputs. (iv) Real-time per-cone target activation levels to reproduce the target percept, computed by: extracting eye motion from the input video relative to the retina map; identifying the spectral type of every cone in the field of view; computing the per-cone activation the target percept would have produced. (v) Intensities of visible-wavelength 488-nm laser microdoses at each cone required to achieve its target activation level. (C) Infrared imaging and visible-wavelength stimulation are physically accomplished in a raster scan across the retinal region using AOSLO. By modulating the visible-wavelength beam's intensity, the laser microdoses shown in (v) are delivered. Drawing adapted with permission [Harmening and Sincich (54)]. (D) Examples of target percepts with corresponding cone activations and laser microdoses, ranging from colored squares to complex imagery. Teal-striped regions represent the color](https://www.science.org/cms/10.1126/sciadv.adu1052/asset/676ebf10-6471-4c5a-9b79-dfe102d331a1/assets/images/large/sciadv.adu1052-f1.jpg)
Fong, …, Ng,et al. (2025) ici:
Ce n'est pas la première fois que des chercheurs parviennent à stimuler des cônes individuels — ces photorécepteurs de l'œil dont le cerveau décode les signaux en couleurs. Mais c'est la première fois que cette stimulation est réalisée sur une surface suffisante pour modifier de façon significative la perception visuelle. « Ce qui est inédit ici, c'est la démonstration que de telles "nouvelles couleurs" peuvent bel et bien être perçues », souligne Sérgio Nascimento, physicien spécialiste de la vision humaine à l'Université de Minho (Portugal).
Les chercheurs (Fong, …, Ng,et al., 2025), qui ont détaillé leur technique dans Science Advances (avril 2025), ont baptisé cette couleur inédite olo. Elle évoque le bleu paon ou le bleu sarcelle (teal), mais avec un niveau de saturation "hors normes", selon Ren Ng (Université de Californie, Berkeley), co-auteur de l'étude et lui-même l'un des cinq testeurs.

Ren Ng précise que cette approche pourrait aussi générer d'autres couleurs inédites. Elle pourrait également, à terme, améliorer la perception des couleurs chez les personnes daltoniennes pour lesquels il n'existe actuellement aucun traitement efficace. Pour l'instant, la technique ne permet de contrôler la couleur que sur une petite portion du champ visuel (environ deux fois le diamètre apparent de la Lune). De plus, elle repose sur des équipements encore rares. Mais même sans applications immédiates, cette avancée est déjà « un véritable exploit technique », selon Jenny Bosten, neuroscientifique à l'Université du Sussex (Royaume-Uni). « Le potentiel pour de futures recherches est immense. »

L'équipe de Ren Ng s'est donc demandé si une stimulation isolée du cône M pourrait engendrer une nouvelle perception colorée.La vision des couleurs
La vision humaine des couleurs repose sur la comparaison par le cerveau des signaux envoyés par trois types de cônes, chacun sensible à une gamme différente (mais chevauchante) de longueurs d'onde : les cônes S (bleu), M (vert) et L (rouge). Chaque couleur perçue correspond à un "profil d'activation" unique de ces trois types de cônes. Or, en temps normal, toute stimulation du cône M (au milieu du spectre) active aussi, dans une certaine mesure, les cônes voisins S ou L. cf. les spectres de sensibilité relative des cônes (et des bâtonnets (rods))
cf. par exemple une synthèse assez fouillée de Solomon, et al. (2007) ici et figure ci-contre
Après avoir cartographié précisément la rétine de chaque participant, les chercheurs ont pu cibler des cônes M spécifiques avec des microdoses de lumière laser.
Résultat : les participants ont perçu une couleur olo plus intense que n'importe quel bleu-vert naturel. Pour tenter de la "ramener" dans l'espace des couleurs connues, il a fallu y ajouter de la lumière blanche.

Des sensations de couleurs différentes avec un laser d'une seule couleur
Le système Oz a également permis de générer toute une palette de couleurs en utilisant une seule longueur d'onde de lumière. En modulant l'intensité du laser pour chaque type de cône, les chercheurs ont réussi à reproduire le "schéma d'activation" attendu par le cerveau pour chaque couleur — donnant l'illusion d'une vidéo en couleur, produite à partir d'un seul laser !Les chercheurs explorent maintenant la possibilité d'adapter cette technologie pour aider les personnes daltoniennes. Chez ces dernières, seuls deux types de cônes fonctionnent correctement. Des travaux antérieurs chez le singe écureuil ont montré qu'un traitement génique peut restaurer la vision des couleurs en ajoutant un troisième type de cône. Ici, l'idée serait de "simuler" ce troisième canal grâce au contrôle laser. « Le cerveau recevrait alors trois types d'informations. Reste à savoir s'il pourrait en faire une vision complète des couleurs », explique Ren Ng.
Au-delà des applications possibles, cette recherche offre un outil unique pour mieux comprendre comment les signaux de la rétine se traduisent en perception colorée dans le cerveau. « Cette technique ouvre des perspectives d'exploration inédites — sans doute plus que tout autre outil utilisable chez l'humain », conclut Kimberly Jameson."
Traduction adaptée de Gibney, E (2025) ici

C) Un colorant alimentaire permet de voir l'intérieur d'une souris
Mais une équipe de spécialistes des matériaux (Ou, et al. 2024) a trouvé une approche beaucoup plus simple — du moins chez la souris. En appliquant un pigment courant, ils sont parvenus à rendre temporairement transparente la peau des animaux, révélant ainsi les organes sous-jacents. "
"En plaçant la main devant une lampe, les doigts apparaissent rougeâtre, mais on ne distingue pas les os, les muscles ou les vaisseaux sanguins. Cela s'explique par la diffusion de la lumière dans les tissus biologiques, qui empêche une transmission directe. Cette diffusion est liée à la composition hétérogène des tissus. Chaque matériau transparent possède un indice de réfraction, défini comme le rapport entre la vitesse de la lumière dans le vide et dans le matériau. Par exemple, la lumière se déplace dans l'eau à environ 75 % de sa vitesse dans le vide (indice de 1,33). Lorsque la lumière traverse des matériaux d'indices différents, elle change de direction — le principe même des lentilles optiques.
Transparence si les milieux ont le même indice de réfraction

"Guosong Hong (Ou, et al. 2024) ont cherché à ajuster l'indice de réfraction de l'eau, en l'élevant pour le rapprocher de celui des lipides et des protéines. D'après leurs calculs, un colorant jaune synthétique appelé tartrazine permettait de ralentir la lumière à la vitesse adéquate. Ce colorant, autorisé par la FDA et utilisé pour teinter de nombreux aliments (comme les Cheetos Doritos ou les boissons Kool-Aid), semblait donc sûr pour un usage biologique.
En général, ajouter de la couleur à l'eau la rend moins transparente. Mais ici, la tartrazine absorbe la lumière bleue tout en réduisant le contraste d'indice entre l'eau et les lipides, ce qui permet aux lumières rouge et orange de traverser les tissus sans diffusion — ceux-ci deviennent ainsi transparents dans ces longueurs d'onde. Comme le résume Hong : « Les lipides et l'eau restent chimiquement différents, mais la lumière ne le perçoit plus et les traverse aisément. »

À l'aide d'un microscope, l'équipe a aussi examiné d'autres tissus, comme les fibres musculaires d'une patte rasée — ce qui nécessiterait normalement l'implantation d'un endoscope. Ils ont même appliqué le colorant sur le cuir chevelu, le rendant transparent. Associée à un autre colorant fluorescent rouge foncé, cette technique leur a permis d'observer l'activité neuronale dans les couches superficielles du cerveau (le crâne des souris étant naturellement très fin et partiellement translucide).

Références:
- Auzel, F. (2004). Upconversion and Anti-Stokes Processes with f and d Ions in Solids. Chemical Reviews, 104(1), 139‑174. https://doi.org/10.1021/cr020357g
- Fong, J., Doyle, H. K., Wang, C., Boehm, A. E., Herbeck, S. R., Pandiyan, V. P., Schmidt, B. P., Tiruveedhula, P., Vanston, J. E., Tuten, W. S., Sabesan, R., Roorda, A., & Ng, R. (2025). Novel color via stimulation of individual photoreceptors at population scale. Science Advances, 11(16), eadu1052. https://doi.org/10.1126/sciadv.adu1052
- Gibney, E. (2025). Brand-new colour created by tricking human eyes with laser. Nature, 641(8061), 16‑17. https://doi.org/10.1038/d41586-025-01252-3
- Ma, Y., Chen, Y., Wang, S., Chen, Z.-H., Zhang, Y., Huang, L., Zhang, X., Yin, F., Wang, Y., Yang, M., Li, Z., Huang, K., Fang, X., Li, Z., Wang, M., Liu, W., Li, J.-N., Li, L., Zhao, H., … Xue, T. (2025). Near-infrared spatiotemporal color vision in humans enabled by upconversion contact lenses. Cell, S0092867425004544. https://doi.org/10.1016/j.cell.2025.04.019
- Reardon, S. (2024). Slathering mice in a common food dye turns their skin transparent. Science. https://doi.org/10.1126/science.z0idj3h
- Solomon, S. G., & Lennie, P. (2007). The machinery of colour vision. Nature Reviews Neuroscience, 8(4), 276‑286. https://doi.org/10.1038/nrn2094
- Ou, Z., Duh, Y.-S., Rommelfanger, N. J., Keck, C. H. C., Jiang, S., Brinson, K., Zhao, S., Schmidt, E. L., Wu, X., Yang, F., Cai, B., Cui, H., Qi, W., Wu, S., Tantry, A., Roth, R., Ding, J., Chen, X., Kaltschmidt, J. A., … Hong, G. (2024). Achieving optical transparency in live animals with absorbing molecules. Science, 385(6713), eadm6869. https://doi.org/10.1126/science.adm6869